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L’acronyme AIDES signifie « accéder, isoler, désenfumer, explorer, sauver (ou sortir) »

L’acronyme AIDES signifie « accéder, isoler, désenfumer, explorer, sauver (ou sortir) »

L’acronyme AIDES signifie « accéder, isoler, désenfumer, explorer, sauver (ou sortir) »

Lorsque chaque seconde compte et que les conditions deviennent extrêmes, il est impératif pour les intervenants de s’appuyer sur des procédures précises, testées et éprouvées. L’acronyme AIDES — Accéder, Isoler, Désenfumer, Explorer, Sauver (ou Sortir) — est l’un de ces repères essentiels utilisés dans les interventions incendie. Fruit de l’expérience opérationnelle et intégré dans les formations incendie, notamment chez les sapeurs-pompiers, il vise à offrir un cadre d’action structuré pour sécuriser les victimes tout en maîtrisant les risques pour les intervenants.

Dans cet article, je vous propose un retour d’expérience terrain autour de la méthode AIDES, ainsi qu’une explication claire de chaque étape. Que vous soyez pompier, agent de sécurité incendie ou simplement passionné par l’univers opérationnel, cet article vous apportera des clés concrètes pour mieux comprendre et appliquer cette procédure en cas d’incendie en milieu clos ou semi-ouvert.

Accéder : franchir l’obstacle pour entrer dans l’incendie

Avant de sauver, il faut atteindre. La première étape d’une intervention efficace consiste donc à accéder à la zone sinistrée. Ça semble évident, mais croyez-moi, l’accès n’est jamais simple. Couloirs enfumés, portes blindées, cages d’escaliers inaccessibles, ou encore ascenseurs hors service sont le quotidien des équipes engagées en feu d’habitation ou d’établissement recevant du public (ERP).

Le binôme d’attaque doit d’abord localiser l’entrée la moins risquée, tout en tenant compte des dégagements potentiels de fumées, de la propagation du feu et de la présence éventuelle de victimes bloquées dans les parties basses. Pour cela, une reconnaissance rapide de l’environnement est essentielle. Si l’accès est bouché, des solutions doivent être mises en œuvre : forcer une porte, casser une vitre, utiliser une issue secondaire.

Lors d’un feu dans un appartement au 3e étage, qu’on m’a rapporté récemment, le binôme s’est heurté à une cage d’escalier totalement envahie par les fumées. La décision a été prise de monter par la façade grâce à une échelle à crochets. Temps d’accès : 30 secondes. Décision vitale pour la victime et pour la sécurité des intervenants.

Isoler : contenir le feu pour protéger les zones saines

Une fois dans le bâtiment, il s’agit d’éviter que le feu ne gagne du terrain. C’est là qu’intervient l’« I » de AIDES : Isoler. Cela signifie fermer les portes derrière soi, couper les arrivées de gaz ou d’électricité si possible, et empêcher toute alimentation en comburant au feu.

On parle souvent de confinement dynamique. Fermer les portes coupe l’oxygène nécessaire à la combustion et ralentit la propagation de la chaleur. Isoler permet aussi de créer un compartiment sécurisé, un îlot de relative sécurité temporaire pour les victimes et les pompiers.

Une anecdote qui illustre bien ce point : feu de cave dans une copropriété datant des années 60. L’équipe d’intervention a refermé chaque porte à mesure de la progression pour contenir le foyer. Pendant ce temps, les équipes de ventilation mettaient en place des surpresseurs pour extraire les fumées du rez-de-chaussée vers le toit. Résultat : aucune propagation aux étages supérieurs et évacuation des occupants par les escaliers encore praticables.

Désenfumer : gagner la bataille de l’air

Vous ne combattez pas seulement les flammes, vous combattez aussi la fumée. Et ce n’est pas un duel sans risque. La désenfumage, troisième étape de la méthode AIDES, est cruciale pour retrouver de la visibilité, permettre aux victimes de respirer et aux pompiers d’agir avec un minimum d’efficacité.

Désenfumer peut se faire de manière naturelle ou mécanique :

Une opération récente dans un parking souterrain montre combien cette étape est stratégique : sans désenfumage efficace, les intervenants ont été contraints de battre en retraite. L’air était irrespirable, même avec ARI et la visibilité nulle à moins de 30 centimètres. Après extraction des fumées par le hall supérieur et ouverture des grilles extérieures, la situation est redevenue gérable en moins de 5 minutes.

Jamais de précipitation. Avant d’attaquer un foyer, on s’assure que l’environnement est respirable — ou au minimum contrôlable. Un ventilateur bien positionné peut sauver plus de vies qu’un jet de 500 L/min mal orienté.

Explorer : localiser les victimes et évaluer les dégâts

Une fois les lieux relativement sécurisés, il est temps d’explorer. C’est ici que l’œil, l’oreille et l’instinct du pompier prennent toute leur valeur. Explorer signifie rechercher les victimes, reconnaître les zones endommagées, détecter les éventuels points chauds ou foyers secondaires.

Chaque pièce doit être inspectée méthodiquement. Une exploration efficace suit généralement un schéma : progression murale, marquage des zones explorées, communication constante entre les binômes. L’usage de la caméra thermique s’impose dans ces situations : localisation d’un corps inconscient au sol, détection d’un feu couvant derrière une cloison, ou lecture thermique d’un tableau électrique encore sous tension.

Une exploration ne s’improvise pas. Elle doit être rapide, mais rigoureuse. Un feedback d’un collègue de la BSPP (Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris) m’a marqué : lors d’un feu de mezzanine dans un logement insalubre, la victime était coincée sous un amas de meubles. Sans caméra thermique, elle aurait été manquée. La pièce semblait vide ; seul un petit signal thermique anormal a attiré l’attention du binôme.

Sauver (ou Sortir) : mission prioritaire

On ne vient pas pour combattre le feu. On vient pour sauver des vies. Point final.

Le dernier « S » de AIDES peut signifier Sauver ou Sortir. Sauver, dans le cas d’une victime encore en vie ou même en arrêt cardio-respiratoire (ACR). Sortir, dans le cas où un repli tactique est nécessaire pour préserver l’intégrité physique de l’équipe.

Le sauvetage suit un protocole clair :

Un jour, lors d’un feu dans un foyer de jeunes travailleurs, l’équipe d’attaque a trouvé une victime inconsciente dans une chambre. Réanimation immédiate dans le sas d’escalier, protégé par ventilation positive. La victime a été sauvée grâce à une prise de décision immédiate et une bonne coordination avec les secours à personne.

Dans certains cas, sauver, c’est aussi savoir sortir. Rompre la mission temporairement pour éviter un risque d’effondrement ou d’intoxication grave. Ce n’est pas un échec. C’est une décision mûrie, qui peut permettre de revenir plus tard, mieux équipé, avec une meilleure stratégie.

AIDES : une méthode, une discipline

Réussir une intervention ne tient pas de l’instinct. Cela repose sur des méthodes éprouvées. L’acronyme AIDES en est un exemple frappant. Simple à retenir, mais d’une efficacité redoutable sur le terrain, il guide chaque geste, chaque décision sous pression.

On pourrait croire que ce n’est qu’un outil parmi d’autres. Mais dans la réalité du feu, quand le cœur bat à 140 bpm, que la visibilité est nulle et que la température frôle les 600°C, ne pas avoir de méthode, c’est abandonner la mission au chaos. AIDES remet de l’ordre, de la logique et surtout de la sécurité dans chaque intervention.

Alors que vous soyez formateur, jeune recrue, ou professionnel curieux de réviser ses fondamentaux, gardez en tête ces cinq lettres : Accéder, Isoler, Désenfumer, Explorer, Sauver. C’est plus qu’un acronyme. C’est un cap à suivre dans la tempête.

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