Univers Pompier

L’impact du changement climatique sur les feux de végétation

L’impact du changement climatique sur les feux de végétation

L’impact du changement climatique sur les feux de végétation

L’évolution des feux de végétation à l’ère du changement climatique

Ces dernières années, les feux de végétation ont évolué. Plus fréquents, plus intenses, plus étendus. On le constate sur le terrain, année après année. Pour ceux qui ont passé des saisons entières à combattre les flammes, une chose est claire : quelque chose a changé. Et ce quelque chose, c’est le climat.

Le changement climatique n’est pas un concept abstrait pour les sapeurs-pompiers. C’est une réalité tangible que l’on touche du doigt à chaque intervention. En tant qu’ancien pompier professionnel, j’ai vu la nature du risque évoluer. Et avec elle, nos modes d’action, notre préparation et nos marges de manœuvre. À travers cet article, je vous propose un état des lieux précis et concret de l’impact climatique sur les feux de végétation.

Des saisons de feu plus longues et plus intenses

La première conséquence visible du changement climatique, c’est l’allongement de la période à risque. Là où auparavant la « saison feu » s’étendait de juin à septembre, on se retrouve aujourd’hui à traiter des départs de feu dès le mois d’avril, voire avant. Et les reprises tardives en octobre deviennent courantes.

Pourquoi ? Parce que les conditions météorologiques favorables à l’embrasement — chaleur, sécheresse, vent — apparaissent plus tôt dans l’année et persistent plus longtemps.

Même les régions autrefois épargnées, comme la Bretagne, le Nord ou certaines zones urbaines, deviennent des terrains propices aux départs de feu. On a tous en mémoire les incendies dans les Monts d’Arrée en 2022 ou en Mayenne… Autant de territoires qui n’étaient pas, historiquement, classés à risque élevé.

Des combustibles plus secs, plus tôt dans l’année

Le réchauffement climatique s’accompagne d’épisodes de canicule plus fréquents, et surtout, d’un déficit de précipitations. Résultat : la végétation est plus sèche, les indices combinés d’humidité du sol et de stress hydrique sont en alerte dès le printemps.

Sur le terrain, cela signifie que des plantes habituellement peu inflammables deviennent des combustibles potentiels. Même les forêts humides du Massif Central ou les maquis corses voient leur taux d’humidité descendre en dessous des seuils critiques.

Le feu progresse alors plus vite, saute des zones entières, et devient difficilement maîtrisable. Cela nécessite une mobilisation plus rapide, plus massive, et souvent, des moyens aériens sollicités plus tôt dans l’année.

Une augmentation du nombre de mégafeux

Un mégafeu, pour rappel, est un incendie hors de proportion, échappant aux capacités classiques d’extinction et affectant souvent plus de 1000 hectares. Ces dernières années, la France en a connu plusieurs — le massif de la Teste-de-Buch ou le Landiras en Gironde, pour ne citer qu’eux.

Derrière chaque mégafeu, on trouve une météo extrême (forte chaleur, vent et sécheresse), un combustible très inflammable et parfois, une intervention retardée due à l’isolement du départ de feu. Ces conditions deviennent de plus en plus fréquentes sous l’effet du climat.

Un retour d’expérience vécu en unité mobile d’intervention dans le sud de la France : à peine arrivés sur zone, nous faisons face à un feu qui court à plus de 4 km/h sur des herbes hautes. Le vent se lève à 60 km/h, les têtes de feu éclatent, les colonnes s’organisent… mais le front est déjà hors de portée. Ce genre de scénario, jadis exceptionnel, tend à se banaliser.

La difficulté de prédire le comportement des incendies

Autre problème aggravé par le climat : la modification du comportement du feu. Là où les schémas classiques étaient bien connus (vent dominant, topographie, nature du sol), les feux actuels réagissent parfois de façon imprévisible. Le moindre changement de vent, l’effet d’une vallée, ou un micro-climat local peuvent tout faire basculer.

Les modèles de prévision traditionnels sont parfois dépassés par la réalité du terrain. D’où l’importance croissante de la reconnaissance permanente, des drones et des outils de cartographie avancés, mais aussi de la vigilance terrain des chefs de groupe et chefs de colonne.

L’urbanisation croissante accentue le risque

Au changement climatique s’ajoute un autre défi : l’urbanisation galopante dans les zones à risque. L’habitat disperse dans les massifs, les constructions récentes au cœur des pinèdes… Autant de facteurs qui rendent les interventions plus complexes et augmentent les enjeux humains.

Les zones interfaces (zones entre habitats et forêts) sont des pièges. En proie à un feu de forêt, elles nécessitent un double effort : protéger les personnes et les biens, tout en luttant contre la propagation du feu. Or, le changement climatique augmente la probabilité que ces zones soient touchées.

Il est fondamental de rappeler que la prévention est ici primordiale. Pare-feu, débroussaillement, plan de sauvegarde communal : l’anticipation locale est souvent notre meilleure alliée.

Des hommes et des femmes en première ligne

Face à ces évolutions, qui est en première ligne ? Les sapeurs-pompiers. Les professionnels, les volontaires, les personnels de la sécurité civile… Tous doivent s’adapter à un contexte plus éprouvant physiquement et mentalement.

L’exposition à des chaleurs extrêmes, les feux longs durée, les relèves sans fin, le manque d’effectif local dans certaines zones rurales tendent les organismes et les nerfs. Et il faut saluer ici la résilience des équipes, leur capacité d’adaptation et leur engagement sans faille.

De nombreuses casernes s’équipent désormais en matériels spécifiques à la lutte feu de forêt : EPI légers, ARI portatifs à longue autonomie, moyens d’auto-protection embarqués, systèmes de géolocalisation en direct… Ces évolutions techniques sont vitales dans un contexte climatique tendu.

Anticiper, former, s’équiper : les clés de la résilience

Le changement climatique est là. Il modifie en profondeur notre environnement d’intervention. Il ne sert à rien de le nier. Ce que nous pouvons faire, en revanche, c’est nous adapter, dès aujourd’hui.

Voici quelques pistes concrètes comme autant de leviers d’action :

Impossible, enfin, de ne pas souligner le rôle du citoyen. Un feu ne naît pas tout seul : 90 % des départs de feu sont d’origine humaine, qu’ils soient volontaires ou dus à une négligence. En période de danger, un mégot de cigarette, un barbecue ou un travail mécanique peuvent suffire à tout faire basculer. La prévention reste fondamentale.

Et demain ? Vigilance et adaptation permanente

Les feux de végétation ne sont plus les mêmes qu’il y a 20 ans. Et ils seront encore différents dans 20 ans, tant le climat poursuit sa mutation. Cette transformation n’est pas une fatalité, mais un défi. Un défi collectif, à relever avec méthode, technicité, esprit d’équipe et résilience.

Face à cet enjeu, nous n’avons pas le luxe de l’approximation. Observons, formons-nous, partageons nos retours d’expérience et adaptons sans relâche notre approche opérationnelle.

Le feu est plus rapide, plus imprévisible et plus ravageur qu’avant ? Très bien. Soyons plus vigilants encore, plus compétents et plus prêts. Car chaque hectare sauvé, chaque maison protégée et chaque vie épargnée repose in fine sur notre capacité à anticiper et à agir, ensemble.

À bientôt sur Univers Pompier, et n’oubliez pas : la nature, aujourd’hui, réclame toute notre attention… et notre respect.

Quitter la version mobile